Marque : la difficile protection des expressions descriptives

Marque : la difficile protection des expressions descriptivesSelon les dispositions de l’article L.711-2, a) et b) du Code de la propriété intellectuelle, un signe ne peut pas être valablement enregistré en tant que marque s’il est, dans le langage courant ou professionnel, « exclusivement la désignation nécessaire, générique, ou usuelle du produit ou du service » ou encore, s’il peut « servir à désigner une caractéristique du produit ou service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ».

Au visa de cet article, la Cour d’appel de Paris a prononcé le 14 octobre 2014, la nullité partielle de la marque française n° 3 436 367 pour l’ensemble des services des classes 36, 37, 39 et 42 relatifs ou susceptible d’être relatifs au domaine de l’immobilier (1). Cette décision est à mettre en perspective avec celle rendue par le Tribunal de grande instance de Paris le 28 novembre 2013 prononçant la nullité de la marque verbale « vente-privée.com » et souligne la tendance actuelle des juges du fond à mettre un frein au dernier artifice usuel qui permettait à des signes verbaux dépourvus de distinctivité de prétendre, en combinaison avec un élément figuratif, à une protection valable à titre de marque.

La Cour d’appel de Paris a considéré que la combinaison avec les couleurs simples blanche et rouge n’est pas de nature à permettre à la marque dans son ensemble de distinguer les produits ou services visés diffusés sur le marché et qu’elle « est donc, dans ce domaine spécifique, compte tenu de son caractère usuel et descriptif pour cette catégorie de produits et services, dépourvue de caractère distinctif au regard des exigences de l’article L.711-2, a) et b) ».

Cette appréciation d’une marque semi figurative est à notre connaissance une première dans la mesure où jusqu’alors l’élément figuratif a souvent « sauvé » d’une annulation certaine un signe verbal dépourvu de tout caractère distinctif.

Pour autant, le titulaire de la marque en cause pourrait encore tenter de démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage. En effet selon l’alinéa c) de l’article L.711-2 du CPI « le caractère distinctif peut (.) être acquis par l’usage ». Pour se prévaloir de ces dispositions, encore faudra-t-il que cet usage ne soit pas contestable et qu’il soit étayé par des preuves pertinentes permettant de démontrer que dans l’esprit du public, le signe a acquis une nouvelle signification et est de ce fait devenu apte à identifier le produit ou service visé par la marque.

Les juges ont refusé de reconnaître un tel usage pour la marque semi-figurative au motif notamment que « les sociétés intimées ne versent aux débats aucun élément significatif (étude, sondage d’opinion…), (.) qu’elles ne donnent aucune précision sur l’importance et la notoriété, en durée et en intensité, de la diffusion du magazine SE LOGER ».

L’attention est donc attirée sur le fait qu’au moment de la demande d’enregistrement le déposant devra être particulièrement vigilant dans le choix des éléments, tant verbaux que figuratifs, qui composeront sa marque sauf à disposer déjà de preuves tangibles que la marque a acquis par l’usage un caractère distinctif en relation avec les produits et services revendiqués, cette preuve restant difficile au regard des dernières décisions précitées.

Anne-Sophie Cantreau
Claudine Salomon
Lexing Droit des marques

(1) CA Paris 14-10-2014, Pôle 5, ch.1 n°13/10534 ; TGI Paris 28-11-2013, 3e ch., 1e sect.

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