Nouvelle procédure de déchéance : 1er arrêt de la Cour d’appel

déchéance de marquePar arrêt du 18 novembre 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu la première décision de recours contre une décision du Directeur de l’INPI statuant sur une demande en déchéance de marque.

Depuis le 1er avril 2020, le nouvel article L.716-5 du Code de la propriété intellectuelle confère au Directeur de l’INPI compétence exclusive pour statuer à titre principal sur les demandes en déchéance pour défaut d’usage sérieux (article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle).

Depuis son entrée en vigueur et malgré la crise sanitaire, cette nouvelle procédure connaît un franc succès. Ainsi, à ce jour, l’INPI a rendu près de 130 décisions sur des demandes de déchéance de marque.

Cet arrêt constitue la première décision de recours rendue sur une décision de l’INPI en la matière.

L’occasion de revenir sur cette affaire et d’examiner la manière dont les cours d’appel appréhendent ces nouveaux recours en réformation.

Recours contre une décision du Directeur de l’INPI statuant sur une demande en déchéance de marque

Le 26 mars 2021, le Directeur de l’INPI prononce la déchéance partielle de la marque GABRIELLE pour un certain nombre de produits, à l’exclusion des produits « parfums et eau de parfum ». L’Office considère que :

  • « les éléments de preuve présentés par la titulaire de la marque contestée contiennent suffisamment d’indications concernant la période pertinente» ;
  • « la marque contestée GABRIELLE identifie bien le produit commercialisé et que l’utilisation conjointe des autres éléments, à savoir la marque ombrelle CHANEL et la catégorie de produit, ne porte pas atteinte à cette fonction d’identification ».

Pour les autres produits, l’INPI retient qu’à défaut d’éléments complémentaires corroborant une présentation du signe GABRIELLE CHANEL sur plusieurs lignes :

« le signe GABRIELLE CHANEL, composé de l’association du prénom et du nom de la fondatrice de la maison CHANEL, forme un ensemble faisant clairement référence à ce personnage internationalement connu dans lequel le caractère distinctif propre de l’élément GABRIELLE est altéré ».

La demanderesse en déchéance interjette appel de cette décision devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Elle fait principalement valoir que :

  • la société Chanel ne justifierait pas de l’usage de la marque GABRIELLE pour l’année 2015 entre juin et décembre ;
  • les pièces produites justifieraient d’un usage de la marque GABRIELLE CHANEL :
    • Or du fait de l’adjonction du signe CHANEL qui selon elle, ne peut être considéré comme une marque ombrelle, le caractère distinctif de la marque GABRIELLE aurait été altéré.

La société Chanel conteste ces arguments. Les observations du Directeur de l’INPI vont dans le même sens.

Les observations du Directeur de l’INPI

Celui-ci indique que les pièces versées aux débats démontrent l’utilisation par la société Chanel de la marque GABRIELLE seule, et que l’article R. 716-6, 1) du Code de la propriété intellectuelle n’impose pas d’établir un usage ininterrompu du signe pendant cinq ans.

Intervenant également à l’instance, le Ministère public conclut à la confirmation de la décision du Directeur de l’INPI.

Pour confirmer la décision du Directeur de l’INPI, la Cour d’appel articule son raisonnement autour de deux axes :

  • la durée des usages permettant de justifier d’un usage sérieux ;
  • l’altération du caractère distinctif du signe associé à une marque ombrelle.

Exclusion de la déchéance en cas d’usage sérieux mais non ininterrompu

La cour d’appel fait sien des arguments présentés par le Directeur de l’INPI et retient que « la seule preuve exigée par l’article L 714-5 [est] celle d’un usage sérieux et non d’un usage ininterrompu ».

En conséquence, conformément à la décision de l’INPI, la cour d’appel ne peut conclure autre chose. L’absence de preuve d’usage de la marque GABRIELLE en 2015 ne permet pas d’emporter sa déchéance pour les produits contestés.

Exclusion de la déchéance en cas d’usage du signe associé à une marque ombrelle à défaut d’altération du caractère distinctif

La cour d’appel suit encore une fois le raisonnement du Directeur de l’INPI. S’agissant de l’altération du caractère distinctif et de la qualification de marque ombrelle du signe CHANEL, elle relève ainsi que :

  • la marque GABRIELLE a été utilisée pour la commercialisation de parfums sur la période de référence et que ce signe était « clairement distingué sur les flacons et les emballages du signe CHANEL » ;
  • le signe GABRIELLE est distinctif au regard des produits de parfumerie car « le fait que ce prénom soit celui de Madame C, fondatrice de la marque éponyme, ne suffit pas à lui faire perdre ce caractère distinctif auprès du public concerné » ;
  • la marque CHANEL est une « marque ombrelle d’une grande notoriété destinée à désigner l’origine du parfum» de sorte que « le consommateur est habitué à distinguer la marque ombrelle CHANEL de la marque destinée à individualiser un type de parfum provenant de la maison de couture ».

C’est le premier arrêt statuant sur un recours à l’encontre d’une décision de l’INPI relative à une déchéance de marque.

Il confirme la décision de l’office en faisant siennes les observations du Directeur de l’INPI. Il est toutefois bien trop tôt pour y voir une quelconque tendance jurisprudentielle. Seule une analyse des prochains arrêts permettra de donner une orientation.

Virginie Brunot
Solenne Mignot
Lexing Département propriété industrielle contentieux

(1) Décision du 26-03-2021 du Directeur de l’INPI.
(2) CA Aix-en-Provence du 18-11-2021, n° 21/05511

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