La robotique confrontée à la propriété intellectuelle

La robotique confrontée à la propriété intellectuelleDans la Semaine Juridique, Marie Soulez confronte le droit de la propriété intellectuelle aux technologies robotiques.

Le droit de la propriété intellectuelle a su évoluer lorsque les progrès technologiques l’imposaient. L’exemple du logiciel, qualifié d’oeuvre de l’esprit mais inséré dans un régime propre, l’illustre. Tout comme celui des bases de données, pour lesquelles un droit sui generis a été adopté. Plus récemment, la jurisprudence s’est chargée de façonner un corpus de règles propres aux sites internet.

Aujourd’hui, le développement de l’intelligence artificielle et des technologies robotiques suscite des interrogations sur la pertinence du droit positif. C’est le thème abordé par Marie Soulez dans l’article publié dans Semaine Juridique Edition Générale n° 37 du 12 Septembre 2016 (1).

Il convient selon elle d’envisager la protection du robot à un double niveau. D’une part, celle du robot lui-même. D’autre part, la protection des œuvres générées par le robot.

La protection des éléments robotiques s’inscrit dans une acception classique de la protection des créations. Le développement de l’intelligence artificielle pose, quant à elle,  de nouvelles questions.

  • Le robot peut-il créer des œuvres au sens du droit d’auteur ?
  • Le droit positif propose-t-il des solutions adaptées ?

Une chose est sûre : l’appréhension par la propriété intellectuelle de la robotique constitue un enjeu majeur.

Robotique et protection du robot

En se fondant sur le droit positif et sur la jurisprudence applicable aux créations complexes qui intègrent des composants multiples, chaque composant intégré dans un robot pourrait se voir appliquer le régime juridique qui lui est propre. Ceci en fonction de ses caractéristiques techniques et des orientations stratégiques du concepteur et de l’industriel. « Ainsi, devront être appréciées selon leur propre régime de protection des créations de nature différente au régime de protection distinct grâce à une qualification distributive. À ce titre, les robots, les technologies mises en oeuvre et les éléments le composant sont susceptibles de protection intellectuelle ». Par les  brevets, certificats d’utilité, dessins et modèles, marques, droit d’auteur, protection des savoir-faire.

Les créations de forme originale et susceptibles d’être qualifiées d’œuvres de l’esprit pourront être protégées par le droit d’auteur. C’est notamment le cas des logiciels ou de la structure de sa base de données.

Au-delà de la protection des composants, il faut envisager la protection du design du robot. Ce sera par le droit d’auteur, sous réserve d’originalité. Voire par le droit des marques. Ou encore par le droit des dessins et modèles qui protège les caractéristiques du produit lui-même. Le design est alors au centre de l’objectif de protection et de nouveau soumis à des régimes juridiques distincts.

Robotique et protection des œuvres du robot

Par ailleurs, des œuvres autonomes, réalisées par le robot seul, commencent à voir le jour.

Selon Marie Soulez, « lorsque le processus créatif est laissé à la personne physique qui apporte l’empreinte de sa personnalité et qui ne se contente pas de mettre en oeuvre un savoir-faire, cette personne sera auteur, au sens du CPI, de l’oeuvre originale considérée ».

Tel n’est pas le cas de l’oeuvre réalisée de façon autonome par un robot. Via une intelligence artificielle conférant à un robot une capacité d’analyse de l’environnement, d’apprentissage et de subjectivité. Ici se dessinent les limites du droit positif d’auteur.

L’actualité technologique livre deux applications concrètes. D’une part un robot peintre, e-David, développé par des chercheurs de l’Université allemande de Konstanz. D’autre part une intelligence artificielle, Benjamin, créée par un chercheur, Ross Goodwin, et le réalisateur Oscar Sharp.

« Ces réalisations, précise Marie Soulez, sont rendues possibles par la capacité du robot à prendre des décisions de manière libre grâce au cumul de son autonomie et de sa capacité d’apprentissage. Cette autonomie lui permet de réaliser une création artistique, qui lui est propre, voire personnelle. Dans ces deux applications, l’homme ne joue plus un rôle d’auteur, au sens du CPI, mais se positionne comme un assistant qui fournit les éléments nécessaires à la mise en oeuvre de l’activité créatrice ». Le droit positif, qui met l’originalité au centre de la protection, prive la création du robot de protection, faute d’intervention humaine dans le processus créatif.

In fine, selon Marie Soulez, la protection des créations assistées par ordinateur, et maintenant par des technologies robotiques, est acquise. Le processus créatif est laissé à la personne, la machine étant un outil de réalisation.

De lege ferenda

Il appartient maintenant au législateur de prendre position. « Soit de légiférer pour tenir compte d’une spécificité et créer des règles propres à la protection des créations réalisées par des technologies robotiques, position envisagée par la Commission des affaires juridiques du Parlement européen ; soit d’accepter l’idée d’une déperdition de valeur de ces créations en courant le risque de les voir tomber instantanément dans le domaine public ».

Eric Bonnet
Directeur du département Communication juridique

(1)  Interview de Marie Soulez, « Le droit de la propriété intellectuelle à l’épreuve des technologies robotiques », paru dans la Semaine Juridique Edition Générale n° 37 du 12-9-2016

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