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Economie juridique

Jurisprudence

La reproduction non autorisée du personnage d’un film se paye très cher

Une campagne publicitaire diffusée sans autorisation préalable

Un opérateur de téléphonie mobile et son agence de publicité ont utilisé un personnage qui ressemble fort à celui de « Leloo », créé par Luc Besson pour le film « Le cinquième élément », produit par la société Gaumont, dans le cadre d’une campagne de publicité de grande ampleur.

L’annonceur et son agence ne démontrent pas qu’ils ont obtenu l’accord de l’auteur et du producteur du film pour la diffusion de cette campagne et le Tribunal de grande instance de Paris (1) juge que la reprise de certains éléments évocateurs du film constitue un acte de parasitisme.

Ils sont condamnés à payer au producteur une somme de 300 000 euros de dommages et intérêts. L’agence de publicité, l’opérateur et l’auteur du film, débouté de sa demande au titre de la contrefaçon, font appel.

L’enjeu

Les conséquences des actes de contrefaçon et de parasitisme peuvent s’apprécier à partir des gains ou des économies réalisées par leur auteur.


De très lourdes condamnations pour des préjudices peu discutés

La Cour de Paris (2) considère que la reproduction du personnage, sans autorisation est contrefaisante et que l’utilisation délibérée de plusieurs éléments évocateurs du film, dans l’intention de ce placer « dans le sillage » de l’œuvre, constitue une appropriation du travail intellectuel et des investissements de l’auteur et du producteur.

Le producteur, qui demandait une somme de 1 500 000 euros au titre de la contrefaçon et de 1 500 000 euros pour les actes de parasitisme, obtient une réparation de 750 000 euros pour la contrefaçon (50%) et de 1 million d’euros (67%) pour le parasitisme. L’auteur obtient 1 million d’euros pour l’atteinte à son droit moral résultant de la contrefaçon, pour une demande de 1 500 000 euros (67%). La publication du dispositif de la décision dans trois revues et sur deux sites internet est également ordonnée.

La cour justifie ces condamnations par l’ampleur considérable de la campagne publicitaire litigieuse : 2000 diffusions du spot TV, 18 000 affiches, 150 publications presse, 70 visuels placés dans 1500 points de vente. De plus, la campagne a été relancée après le jugement de 1ère instance et le film n’avait auparavant donné lieu à aucune exploitation dérivée à des fins commerciales ou publicitaires.

Ces éléments d’appréciation ne donnent aucune indication sur l’étendue des dommages réellement subis, qui semblent évalués forfaitairement. Il n’est pas précisé si ces agissements sont à l’origine de pertes ou de gains manqués pour le producteur ni en quoi le préjudice moral de l’auteur est considérable. Elle ne s’interroge pas sur un éventuel effet bénéfique de la campagne sur l’image du film qui pourrait compenser partiellement ces préjudices.

Les conseils

Une estimation plus précise des coûts et des résultats de la campagne pour l’opérateur aurait permis de mieux apprécier l’appropriation d’investissements réalisée, de même que le débat sur l’impact de la campagne pour le producteur et l’auteur.Le fait d’avoir relancé la campagne de publicité après le jugement a certainement contribué à la revalorisation des réparations par la Cour.

Notes

(1) TGI Paris 30/03/2004
(2) CA Paris 4eme ch., 08/09/2004, Publicis Conseil et SFR c. Luc B. et Gaumont

Paru dans la JTIT n°45/2005 p.7

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