Infraction de non-communication d’un code de déverrouillage

Code de déverrouillage Le refus de communiquer à une autorité judiciaire le code de déverrouillage de son téléphone portable peut constituer une infraction.

Dans un arrêt du 13 octobre 2020, la Cour de cassation se prononce sur les conséquences du refus de communiquer aux enquêteurs le code de déverrouillage d’un téléphone portable.

La Cour de cassation vient ainsi préciser le champ d’application de l’article 434-15-2 du Code pénal qui précise :

  • « Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 270 000 € d’amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.

Les conséquences du refus de communiquer un code de déverrouillage

Si le refus est opposé alors que la remise ou la mise en œuvre de la convention aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ou d’en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 450 000 € d’amende ».

Dans un arrêt du 10 décembre 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà affirmé que le seul fait de refuser de remettre le code de déverrouillage d’un téléphone dont il y a des raisons de penser qu’il est en lien avec les infractions reprochées est constitutif du délit de l’article 434-15-2 du Code pénal.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 octobre 2020, le prévenu avait refusé, dans le cadre d’une enquête de flagrance pour infractions à la législation sur les stupéfiants, de communiquer au fonctionnaire de police les codes de déverrouillage des trois téléphones portables découverts en sa possession.

Cité devant le tribunal correctionnel pour ces infractions à la législation sur les stupéfiants et le « refus de remettre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie », infraction prévue par l’article 434-15-2 du Code pénal, il est déclaré coupable des délits reprochés. Le prévenu interjette appel à titre principal et le ministère public à titre incident.

Cas

La Cour d’appel, dans un arrêt du 16 avril 2019, relaxe le prévenu du chef de refus de remettre une convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie.

Elle énonce que le prévenu a refusé de communiquer le code de déverrouillage de son téléphone portable, sur la demande d’un fonctionnaire de police au cours de son audition et non en vertu d’une réquisition de le communiquer ou de le mettre en œuvre émanant d’une autorité judiciaire. La Cour d’appel énonce également qu’un code de déverrouillage d’un téléphone portable « d’usage courant », qui ouvre l’accès aux données qui y sont contenues, ne constitue pas une convention secrète d’un moyen de cryptologie, en ce qu’il ne permet pas de déchiffrer des données ou messages cryptés.

Dans son arrêt rendu sur pourvoi du procureur général, la chambre criminelle de la Cour de cassation livre un raisonnement en deux temps. Elle s’intéresse, dans un premier temps, à la condition préalable du délit prévu par l’article 434-15-2 du Code pénal, à savoir l’existence de réquisitions émanant de l’autorité judiciaire, puis, dans un second temps, à la qualification de convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie.

La condition préalable de l’existence de réquisitions de l’autorité judiciaire

Le délit de refus de remettre une convention de déchiffrement suppose, à titre préalable, des réquisitions délivrées par les « autorités judiciaires » en vue de la remise d’une telle convention, lorsque le moyen de cryptologie est « susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit ».

La Cour de cassation critique l’argument de la cour d’appel selon lequel la demande faite par un fonctionnaire de police ne constitue pas une réquisition émanant d’une autorité judiciaire.

Elle affirme que la réquisition émanant d’un officier de police judiciaire, notamment sur le fondement de l’article 60-1 du Code de procédure pénale, « sous le contrôle de l’autorité judiciaire, entre dans les prévisions de l’article 434-15-2 du Code pénal ».

La Cour de cassation précise toutefois qu’une « simple demande formulée au cours d’une audition, sans avertissement que le refus d’y déférer est susceptible de constituer une infraction pénale », telle qu’en l’espèce, ne constitue pas une réquisition au sens de l’article 434-15-2 du Code pénal.

Il apparait ainsi nécessaire que la personne à qui les réquisitions sont faites soit avertie du fait que son refus constitue une infraction.

Le code de déverrouillage d’un téléphone portable qualifié de convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie

La Cour de cassation reproche ensuite à l’arrêt de la Cour d’appel de se fonder sur « la notion inopérante de téléphone d’usage courant » pour dénier au « code de déverrouillage d’un téléphone portable d’usage courant » la qualification de convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie.

La Cour de cassation note qu’il résulte des articles 29 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, L. 871-1 et R .871-3 du Code de la sécurité intérieure que :

  • « la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie contribue à la mise au clair des données qui ont été préalablement transformées, par tout matériel ou logiciel, dans le but de garantir la sécurité de leur stockage, et d’assurer ainsi notamment leur confidentialité ». La Cour de cassation en déduit que « le code de déverrouillage d’un téléphone portable peut constituer une telle convention lorsque ledit téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie ».

Elle précise en conséquence que :

« l’existence d’un tel moyen peut se déduire des caractéristiques de l’appareil ou des logiciels qui l’équipent ainsi que par les résultats d’exploitation des téléphones au moyen d’outils techniques, utilisés notamment par les personnes qualifiées requises ou experts désignés à cette fin, portés, le cas échéant, à la connaissance de la personne concernée ».

Virginie Bensoussan-Brulé
Raphaël Liotier
Alexandra Guermonprez
Lexing Contentieux numérique

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