Les logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation

logiciels d’aide à la prescriptionQuel avenir pour les logiciels d’aide à la prescription et d’aide à la dispensation certifiés par la HAS ?

L’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription (ci-après les « LAP ») et des logiciels d’aide à la dispensation (ci-après les « LAD » ») par la Haute Autorité de Santé (ci-après la « HAS ») n’est plus requise lorsqu’ils sont qualifiés de dispositifs médicaux.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit la suppression des dispositions légales qui imposent ladite certification mais propose également des incitations à recourir aux LAP et aux LAP certifiés.

Définition du logiciel d’aide à la prescription

La HAS définit (1) :

  • le LAP comme « un logiciel dont au moins une des fonctions permet d’élaborer et d’éditer les prescriptions médicales. Il existe deux types de LAP : le LAP hospitalier, utilisé en établissement de santé et qui permet de limiter les choix de médicaments à des listes définies (livret thérapeutique) et le LAP de médecine ambulatoire » ;
  • le LAD comme « un logiciel dont au moins une des fonctions permet l’enregistrement d’une dispensation de médicaments (analyse des prescriptions, conseil et délivrance des médicaments) que ce soit à l’hôpital (Pharmacie à Usage Intérieur) ou en officine ».

Doctrine de l’ANSM sur la qualification des logiciels

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ci-après l’« ANSM ») précise les critères de qualification des dispositifs médicaux et apporte notamment des précisions et des exemples concernant les applications ou logiciels ne constituant pas des dispositifs médicaux, compte tenu d’une destination d’usage non directement médicale.

En particulier, celle-ci indique, concernant les logiciels qui n’effectuent qu’une simple recherche, que « des fonctionnalités de validation de prescription de médicaments ou de gestion automatisée de la prescription ne correspondent pas à des finalités médicales ».

« A l’exception des fonctions de calcul de doses propres à un individu donné, les fonctionnalités visant à vérifier l’absence de contre-indications ou d’associations médicamenteuses déconseillées par le biais d’une base de données ne relèvent pas de la définition du DM » (2).

Au regard de cette doctrine, les LAP ayant pour fonction la validation de prescription de médicaments ou la gestion de la prescription n’étaient pas considérés comme constituant des dispositifs médicaux.

Les LAP et LAD ont donc été soumis à un régime propre encadrant leur mise sur le marché.

Obligation de certification des LAP et des LAD

Un décret relatif à l’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale et des logiciels d’aide à la dispensation a été pris sur le fondement de l’article L. 161-38 du Code de la sécurité sociale (3).

En particulier, en application de l’article R. 161-76-1 du Code de la sécurité sociale, issu de ce décret :

« Tout logiciel dont l’objet est de proposer aux prescripteurs exerçant en ville, en établissement de santé ou en établissement médico-social, une aide à la réalisation de la prescription de médicaments est soumise à l’obligation de certification prévue à l’article L. 161-38, sans préjudice des dispositions des articles R. 5211-1 et suivants du code de la santé publique. Les logiciels intégrant d’autres fonctionnalités que l’aide à la prescription médicale ne sont soumis à certification que pour cette dernière fonctionnalité ».

Certification au regard d’un référentiel

Conformément au décret susvisé, cette certification était obligatoire depuis le 1er janvier 2015.

L’article R. 161-76-3 du même Code précise également que :

« Le logiciel d’aide à la prescription médicale est certifié au regard d’un référentiel établi par la Haute Autorité de santé et prévoyant :
1° des exigences minimales de sécurité, portant notamment sur l’absence de toute information étrangère à la prescription et de publicité de toute nature, ainsi que sur sa qualité ergonomique ;
2° des exigences minimales de conformité de la prescription aux dispositions réglementaires et aux règles de bonne pratique de la prescription médicamenteuse ;
3° des exigences minimales d’efficience assurant la diminution du coût du traitement à qualité égale ;
4° la prescription en dénomination commune, telle que définie au 5° de l’article R. 5121-1 du Code de la santé publique ;
5° une information sur le médicament issue d’une base de données sur les médicaments agréée par la Haute Autorité de santé ;
6° des informations relatives au concepteur du logiciel et au financement de l’élaboration de ce logiciel ».

Ces référentiels sont publiés sur le site de la HAS, laquelle élabore également une foire aux questions, et des dispositions similaires encadrent la certification des LAD.

Qualification des LAP selon la CJUE

Dans un décision du 7 décembre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « CJUE ») a indiqué qu’« un logiciel qui procède au recoupement des données propres du patient avec les médicaments que le médecin envisage de prescrire est, ainsi, capable de lui fournir, de manière automatisée, une analyse visant à détecter, notamment, les éventuelles contre-indications, interactions médicamenteuses et posologies excessives ».

Ce logiciel « est utilisé à des fins de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie et poursuit en conséquence une finalité spécifiquement médicale, ce qui en fait un dispositif médical ».

La Cour poursuit et précise que « tel n’est en revanche pas le cas d’un logiciel qui, tout en ayant vocation à être utilisé dans un contexte médical, a pour finalité unique d’archiver, de collecter et de transmettre des données, comme un logiciel de stockage des données médicales du patient, un logiciel dont la fonction est limitée à indiquer au médecin traitant le nom du médicament générique associé à celui qu’il envisage de prescrire ou encore un logiciel destiné à faire état des contre-indications mentionnées par le fabricant de ce médicament dans sa notice d’utilisation ».

Pour la CJUE, les logiciels d’aide à la prescription peuvent donc répondre à la définition de dispositif médical en fonction de leurs finalités.

Remise en cause de la certification par la CJUE

Dans la décision visée ci-dessus, la Cour de justice de l’Union européenne a également précisé que les logiciels d’aide à la prescription qualifiés de dispositifs médicaux doivent porter un marquage CE de conformité lors de leur mise sur le marché et peuvent dès lors « circuler librement dans l’Union sans devoir faire l’objet d’aucune autre procédure supplémentaire, telle une nouvelle certification » (4).

Cette décision remet en cause la réglementation française encadrant la certification des logiciels d’aide à la prescription lorsque ceux-ci sont marqués CE en tant que dispositifs médicaux.

A cet égard, fin 2017, Isabelle Adenot, membre du collège de la HAS et président de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, avait eu l’occasion de préciser, concernant l’impact de la décision de la CJUE, que « le rôle de la HAS n’est pas remis en cause par la décision de la Cour de justice européenne qui est celle d’assurer la qualité et la sécurité des dispositifs médicaux ». En outre, « l’État français peut utiliser la clause de sauvegarde et décider de rendre obligatoire la certification de logiciels sur tout le territoire pour telles ou telles raisons, pour des raisons de santé publique par exemple » (5).

Suppression de l’obligation de certification et marquage CE par le Conseil d’Etat

Par une décision du 12 juillet 2018, le Conseil d’Etat a jugé :

« Le 3° de l’article 1er et l’article 2 du décret n° 2014-1359 du 14 novembre 2014 relatif à l’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale et des logiciels d’aide à la dispensation prévue à l’article L. 161-38 du Code de la sécurité sociale sont annulés en tant qu’ils s’appliquent aux fonctionnalités des logiciels d’aide à la prescription médicale qui permettent l’exploitation de données propres à un patient à des fins mentionnées à l’article 1er, paragraphe 2 de la directive du 14 juin 1993 ainsi qu’aux modules qui en sont des accessoires au sens des mêmes dispositions ».

Pour ces logiciels, l’obligation de certification de la HAS n’est donc plus obligatoire.

En revanche, dans la mesure où ils sont qualifiés de dispositifs médicaux, ces logiciels sont soumis à la réglementation sur les dispositifs médicaux et notamment aux règles de mise sur le marché des dispositifs médicaux comprenant le marquage CE et aux règles de surveillance.

L’avis de la HAS

Prenant acte de cette décision, la HAS précise toutefois, concernant les LAP, que « la certification HAS des LAP reste possible sur la base du volontariat » (6).

Elle indique, à ce titre, que la certification de ces logiciels apporte des garanties complémentaires par rapport au marquage CE, notamment au regard de :

  • la sécurité, la conformité et l’efficience de la prescription ;
  • l’adossement à une base de données sur les médicaments agréée ;
  • la neutralité des informations utilisées.

Bientôt la suppression de l’obligation légale de certification

L’article 32 du projet de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (7) prévoit la suppression de l’obligation de certification des LAP et des LAD prévue à l’article L. 161-38, IV du Code de la sécurité sociale. La certification pourrait toutefois être demandée par les éditeurs « pour tout logiciel dont au moins une des fonctionnalités est de proposer une aide à l’édition des prescriptions médicales ou une aide à la dispensation des médicaments, produits de santé et prestations éventuellement associées, le cas échéant par les pharmacies d’officine ou les pharmacies à usage intérieur ».

Vers l’obligation d’évolution des logiciels certifiés

L’article 32 dudit projet prévoit également une obligation à la charge des éditeurs de logiciels demandant une certification de faire évoluer le LAP ou le LAD pour en assurer la conformité avec les évolutions des fonctionnalités fournies par le logiciel certifié.

A défaut, le projet prévoit :

  • une pénalité financière prononcée par le ministre en charge de la sécurité sociale à l’encontre de l’éditeur, dont le montant peut aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par ce dernier au titre de l’exercice clos pour le ou les logiciels concernés par le manquement ;
  • une perte de la certification.

Les incitations financières

Par voie de conséquence, il est prévu de supprimer les dispositions concernant le montant et les conditions d’attribution d’une aide à l’utilisation ou à l’acquisition d’un logiciel d’aide à la prescription certifié.

En revanche, il est proposé de modifier le point 22° de l’article L. 162-5 du Code de la sécurité sociale, laissant ainsi la possibilité à l’assurance maladie et aux organisations représentatives de prévoir, dans le cadre de négociations conventionnelles, des contreparties financières associées à l’engagement d’utiliser un LAP certifié.

Marguerite Brac de la Perrière
Chloé Gaveau
Lexing Santé numérique

(1) HAS, Dossier « Certification des logiciels des professionnels de santé »
(2) ANSM, Dossier « Logiciels et applications mobiles en santé »
(3) Décret n°2014-1359 du 14 novembre 2014 relatif à l’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale et des logiciels d’aide à la dispensation prévue à l’article L. 161-38 du code de la sécurité sociale
(4) CJUE, Arrêt du 7 décembre 2017, Aff. C-329/16
(5) Le quotidien du médecin, Post « Certification de logiciels de prescription : Le rôle de la HAS n’est pas remis en cause, selon Isabelle Adenot », publié le 21 décembre 2017
(6) HAS, Communiqué de presse « Certification des logiciels d’aide à la prescription, une démarche primordiale pour l’amélioration des pratiques des médecins », publié le 18 juillet 2018
(7) Projet de loi n°1297 de financement de la sécurité sociale pour 2019 enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2018, article 32

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