Systèmes de transports intelligents : stratégie française

Systèmes de transports intelligents : stratégie françaiseLe développement des systèmes de transports intelligents ne pourra pas se faire sans un rôle décisif de l’Etat.

En effet, face à l’évolution rapide des technologies nécessaires aux systèmes de transports intelligent) et en particulier à la voiture autonome, les obstacles sont encore majoritairement d’ordre réglementaire mais aussi d’ordre éthique (acceptabilité sociale des citoyens).

C’est la position de la Cour des comptes qui vient de rendre public un référé sur l’action de l’Etat pour le développement des systèmes de transports intelligents. Si pour la Cour des comptes, l’Etat n’est pas fondé à se substituer aux acteurs privés pour le financement de telle ou telle filière industrielle, il n’en demeure pas moins que l’Etat devrait « imposer l’ouverture la plus large des données de transport et favoriser le développement des voitures autonomes, notamment en autorisant sans délai leur essai à grande échelle sur la voie publique » (1).

La Cour des comptes formule quatre recommandations pour lever les obstacles et favoriser le développement des systèmes de transports intelligents.

Elle préconise la désignation d’un chef de file des systèmes de transports intelligents pour une véritable stratégie et pour la coordination des actions de l’Etat (Recommandation 1).

Pour justifier cette première recommandation, la Cour des comptes rappelle que « l’Etat est un acteur très minoritaire de la route » et souligne le mille feuille résultant du nombre d’autorités organisatrices des transports (400 autorités), chacune mettant en oeuvre sa propre stratégie de développement. La Cour des comptes pointe également les politiques sectorisées de ministères souvent contradictoires entre elles.

La Cour des comptes recommande ensuite un renforcement de la stratégie de développement des systèmes de transports intelligents (Recommandation 2). Elle met en exergue pour appuyer cette recommandation :

  • l’abandon du calculateur national multimodal qui avait pour objet l’unification des informations et de la billettique de différents modes de transports ;
  • la nécessité de favoriser l’accès des citoyens aux transports afin de réduire les inégalités entre citoyens selon qu’ils sont situés en territoires périurbains ou en territoires à faible densité de transports publics ;
  • l’ouverture plus grande des données publiques de transport et la nécessité de définir des conditions claires pour l’homologation de mesures dérogatoires d’accès aux données publiques.

La Cour des comptes recommande également pour un développement des véhicules autonomes, l’adoption par l’Etat, d’une autorisation sans délai d’essais à grande échelle sur la voie publique de véhicules autonomes (Recommandation 3).

Enfin, elle propose d’inclure les véhicules autonomes dans la stratégie du fret (Recommandation 4).

Dans sa lettre adressée au Premier président de la Cour des comptes, le Premier ministre a fait part de ses observations sur le référé relatif à l’action de l’Etat de la Cour des comptes le 26 avril 2016 (2).

Les observations du Premier ministre sur les quatre recommandations sont les suivantes :

Le renforcement de la stratégie de l’Etat : l’Agence française pour l’information multimodale et la billettique (AFIMB) devrait élaborer prochainement une grille d’analyse des protocoles dérogatoires aux dispositions légales résultant notamment de l’article L. 1115-1 du Code des transports qui a créé un régime d’ouverture spécifique à certaines données de transport.

L’autorisation de développement d’essai à grande échelle des véhicules autonomes sur la voie publique :

  • l’ordonnance qui doit être prise en application de l’article 37 de la loi relative à la transition énergétique devra être publiée avant la mi-août 2016 et – sera complétée par des actes réglementaires ;
  • l’ordonnance devrait instituer un type de dérogation prévoyant une « procédure détaillée et un registre permanent » : les tests de voitures autonomes après la mi-août 2016 resteront donc soumise à un régime de dérogations et ne seront donc pas largement autorisés comme le recommandait la Cour des comptes.

L’ouverture plus grande des tests en circulation réelle des voitures autonomes implique de prendre en compte également la question de l’assurance. Pour les assureurs, certains y voient de nouvelles opportunités tandis que d’autres y voient une modification du champ de l’assurance automobile. Les assureurs sont-ils capables de s’adapter et de proposer un nouveau contrat pour le véhicule autonome ? Les pistes de réflexion sont nombreuses et aucune ne semble aujourd’hui avoir une préférence :

  • la première piste est celle d’une déresponsabilisation du conducteur/passager et la conclusion d’un contrat ayant pour objet le véhicule et non plus le conducteur/passager. Cette option semble nécessiter pour les assureurs l’installation de boîtes noires dans les voitures autonomes ;
  • la seconde piste semble vouloir s’approcher de ce qui existe déjà pour l’aviation avec une indemnisation systématique en cas de survenance d’un dommage ;
  • le contrat d’assurance pourrait aussi glisser du conducteur/passager vers le constructeur du véhicule, avec l’obligation pour le constructeur de garantir le comportement du véhicule dans les situations à risques les plus prévisibles.

L’intégration des véhicules autonomes dans la politique de développement du fret : le plan d’action « Mobilité 3.0 » devrait permettre de « mieux structurer les acteurs », ainsi que « la stratégie France Logistique 2025 ».

La veille internationale en matière de systèmes de transports intelligents : le Premier ministre considère « utile de mieux formaliser cette veille, de la professionnaliser et de la rendre plus visible ».

Les Etats-Unis sont actuellement le pays le plus progressiste dans le domaine des tests de véhicules autonomes. Pour les experts américains, « l’absence de directives fédérales concernant les tests et la certification des véhicules autonomes » pourrait faire perdre sa place de leader aux Etats-Unis.

L’adoption par la France d’un cadre juridique concernant les tests des véhicules autonomes en circulation réelle pourrait lui permettre de conserver sa place et de rattraper son retard.

L’absence d’une cadre juridique clair concernant les tests de véhicules autonomes en circulation réelle adossé à un cadre assurantiel adapté serait en effet de nature à permettre aux constructeurs de procéder à des tests crédibles, leur permettant de concevoir des véhicules autonomes adaptée à la future mobilité 3.0 et aux pouvoirs publics d’atteindre les objectifs environnementaux identifiés dans l’étude d’impact du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissante verte de réduction de l’insécurité routière, des congestions et des disparités de desserte et d’amélioration dans l’accès à la mobilité et dans la qualité de vie.

Didier Gazagne
Lexing Risques, Intelligence économique, Technologies de sécurité et de défense

(1) Cour des Comptes, Enquête sur l’action de l’Etat pour le développement des transports intelligents du 19-2-2016.
(2) Cour des comptes, Référé sur l’action de l’Etat pour le développement des systèmes de transport intelligent du 26-4-2016.

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