La « vente de marchandises » englobe la fourniture de logiciel

vente de marchandises

La CJUE considère que la notion de « vente de marchandises » couvre la fourniture d’un logiciel accompagné d’une licence perpétuelle. Pour la CJUE, cette notion s’applique à la fourniture en ligne d’un logiciel à un client lorsque son utilisation s’accompagne d’une licence perpétuelle (1).

Selon la directive européenne 86/653 sur les agents commerciaux, un agent commercial est un intermédiaire indépendant chargé de façon permanente :

  • soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne,
  • soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte de cette dernière.

Cette directive protège effectivement les agents commerciaux leur donnant un droit à indemnisation en cas de résiliation du contrat d’agence.

Avant de saisir la CJUE, la procédure nationale antérieure concernait un recours en indemnité d’une société (société A) agissant pour le compte de la société qui commercialise le logiciel en cause (société B). Ce recours faisait suite à la résiliation du contrat par la société B sur le fondement des dispositions nationales transposant la directive européenne 86/653.

En l’espèce, le contrat litigieux permettait à la société A d’agir au nom et pour le compte de la société B afin de promouvoir et de commercialiser le logiciel en cause au Royaume-Uni ainsi qu’en Irlande. La société B contestait la qualification d’agent commercial pour définir leur relation. Cette dernière indiquait que la fourniture d’un logiciel par voie de téléchargement accompagnée d’une licence perpétuelle ne constitue pas une « vente de marchandises ».

La Cour suprême du Royaume-Uni a sollicité de la CJUE une interprétation de la notion de « vente de marchandises ». Elle souhaitait déterminer si elle s’applique dans le cadre d’une fourniture de logiciel informatique par voie électronique, dont l’utilisation est régie par une licence octroyée à titre perpétuel.

La notion de la « vente de marchandises » précisée au regard du droit européen

La société A soutenait, au regard de la directive 86/653 :

  • qu’elle pouvait être considérée comme un agent commercial de part les missions confiées par La société B et
  • que son activité était bien une activité de « vente de marchandises ».

Or, la Cour note l’absence de définition autonome et uniforme de la notion de « vente de marchandises » au niveau européen.

Dans un premier temps, la Cour définit le terme « marchandises ». Elle estime qu’il est tout à fait possible de qualifier un logiciel de marchandise ; et ce, indépendamment du fait qu’il soit fourni par voie électronique ou sur support physique. Effectivement, le terme marchandise s’entend de tous les produits appréciables en argent et susceptibles, comme tels, de former l’objet de transactions commerciales (2). La distinction du caractère tangible ou intangible de la marchandise en question n’est donc pas pertinente. De plus, elle précise que d’un point de vue économique, la vente d’un programme informatique sur CD-ROM ou DVD et la vente d’un programme par téléchargement sur internet sont similaires.

Dans un second temps, la Cour aborde la notion de « vente ». Elle la définit comme une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d’un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant. Ainsi, en l’espèce, la :

  • mise à disposition d’un logiciel au moyen d’un téléchargement et la
  • conclusion d’un contrat de licence perpétuelle pour cette copie, moyennant une redevance couvrant la valeur de la copie du logiciel,

entraînent le transfert du droit de propriété sur cette copie du logiciel.

En conclusion, la Cour définit la « vente de marchandises » comme couvrant la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel par voie électronique, lorsque cette fourniture s’accompagne de l’octroi d’une licence perpétuelle.

La notion de « vente de marchandises » dans le cadre de la directive sur les agents commerciaux

Selon la Cour, la directive 86/653 vise à protéger les agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants. Ainsi, l’exclusion de la fourniture d’un logiciel de la notion de « vente de marchandises » compromettrait l’effet utile de cette protection.

En d’autres termes, le fait d’effectuer à l’aide de la technologie moderne des tâches comparables à celles effectuées par d’autres agents commerciaux dont la tâche est de vendre des marchandises tangibles n’exclut pas l’agent commercial de la protection accordée par la directive 86/653.

La CJUE rend une décision clé qui définit de façon autonome la notion de vente de marchandises au niveau européen. Elle permet de classifier avec certitude les logiciels comme faisant partie intégrante de cette catégorie. Ainsi, les sociétés intermédiaires engagées pour revendre un logiciel sont des agents commerciaux lorsque le logiciel s’accompagne d’une licence perpétuelle.

Par conséquent elles sont sous la protection de la directive européenne 86/653 et peuvent former une demande d’indemnisation en cas de rupture des relations contractuelles.

Benoit de Roquefeuil
Katharina Berbett
Mathilde Vacher
Lexing contentieux informatique

(1) CJUE, 16 septembre 2021, Aff. C-410/19.
(2) CJUE, 26 octobre 2006,  Aff. C-65/05, Commission c/ Grèce, point 23.

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